En attendant Godot, Beckett



Le théâtre de l'absurde

Cette forme de théâtre apparaît après la Seconde Guerre Mondiale, suite au choc qu'elle a provoqué. En effet, l'homme a découvert à cette occasion toute l'horreur et la violence qu'il peut faire. Il a pour but de traduire le vide de l'existence, la perplexité de l'homme face à un monde dénué de sens.

Le titre

Ce titre, En attendant Godot, suscite un questionnement chez le lecteur/spectateur  : qui est Godot, qui l'attend  ? Pourquoi  ? Que font-ils en attendant  ? 

Les personnages

On peut remarquer que les personnages ne sont pas annoncés selon leur nom et fonction au début de la pièce. Le lecteur devra donc découvrir peu à peu les personnages.
Les personnages fonctionnent par couple  : Estragon et Vladimir, Bozzo et Lucky. Ces duos ne font que se croiser, car si le premier est sédentaire, et le second se déplace sur son domaine. 
    •   Bozzo et Lucky
Le présence de ce couple sur scène est justifiée par deux arguments. Tout d'abord ils permettent à Estragon et Vladimir de faire passer le temps et de faire disparaître leur ennui pour un moment. Mais ils permettent aussi le passage d'un jour à l'autre, car leur sortie de scène s'accompagne du coucher de soleil, qui marque la fin des deux actes.
Bozzo et Lucky entretiennent une relation de dominant à dominé. Bozzo a tous les signes d'autorité (le fouet et le licol), tandis que Lucky paraît soumis aux ordres de son maitre. Mais le deuxième acte marque un retournement de situation  : Bozzo, devenu aveugle, est dépendant de Lucky, la maitre devenant ainsi dépendant du maitre. Ce rapprochement est aussi physique  : par nécessité, la corde autour du cou de Lucky a été raccourcie. Cela, et le fait qu'il ne l'ait pas vendu, montre l'importance que prend Lucky dans sa vie. Cette régression est saisissante: aucune indication n'est donné sur le motif de cette transformation, laissant le lecteur/spectateur en attente.
    •   Vladimir et Estragon
Les didascalies n'apprennent rien sur les conditions sociales de ces deux personnages. On sait néanmoins par le discours des uns et des autres qu'ils sont pauvres et misérables: ils dorment dehors, ne se lave pas quotidiennement, n'ont pas des vêtements adaptés et en  bon état (Estragon n'a pas chaussures à sa taille ni de chaussettes). Cette pauvreté symbolise en fait le malheur de la condition humaine.
Ces deux personnages prennent un aspect de couple conjugal: ils partagent les même souvenirs et ils s'entraînent l'un et l'autre dans des chamailleries incessantes. Il entretiennent en fait une relation fondée sur le rejet et l'attirance: ils se réconcilient toujours après l'une de leurs disputes, ils sont incapables de se séparer malgré de multiples menaces. 

-> Les noms des personnages

Si le lecteur peut lire les didascalies indiquant les noms des personnages, le spectateur ne connait les personnages que sous leurs surnoms: Didi et Gogo. Leurs véritables noms ne sont employés qu'au début de l'oeuvre pour Vladimir, et en fin pour Estragon. Ces surnoms peuvent être ridicules, comme dans la réplique d'Estragon: "Dis, Didi…", mais ils sont aussi touchant parce qu'ils dévoilent la naïveté enfantine de deux vieillards. On peut aussi remarquer qu'ils prennent de nouvelles identités, notamment pour Estragon: il se surnomme lui-même Catulle, en référence au poète latin, le coursier le connait sous le nom de "Monsieur Albert".
Le nom de Pozzo, d'origine italienne, signifie "le put": un put de richesse peut-être, on sait en effet qu'il est un propriétaire terrien aisé. Paradoxalement, Lucky, un être pauvre moralement, est désigné sous le nom anglais "le chanceux". 
Ces noms ne sont pas choisis par l'auteur innocemment: Estragon renvoi à la plante aromatique qui sert d'assaisonnement. Ainsi son prénom est le reflet de son caractère: piquant, acide.

Un désir d'universalité

1) Les indications sur le décor de la pièce sont volontairement floues. Elles ne laissent entrevoir qu'un arbre et un rocher  : ainsi la pièce a un décor pauvre, mais neutre, qui n'indique aucun lieu précis. 
2) Les noms, d'origine italienne, anglaise, française et slave, laisse entrevoir des personnages qui n'appartiennent à aucune nationalité précise.
Tout cela montre un désir d'universalité: le message de la pièce s'adresse à tous.

Un théâtre de la frustration

Dans cette pièce, les personnages commencent des conversations, des actions, mais ils ne finissent jamais rien. Faute à l'ennui, à l'oubli, ils continuent sur un autre sujet en laissant de côté ce dont ils parlaient. Le lecteur/spectateur est donc frustré car aucune intrigue ne peut être mise en lumière. Les premiers spectateurs ont même quitté la salle alors que les acteurs étaient en pleine représentation, jugeant que l'auteur se moquait d'eux.

-> Une construction cyclique
De même que les personnages n'aboutissent à rien, le lecteur/spectateur tournent en rond: il n'y a pas de réel dénouement, puisque Godot n'apparaît pas et que Vladimir et Estragon vont continuer à l'attendre tous les soirs pendant un temps indéfini. Il semble en fait qu'il n'apparaitra jamais et qu'ils attendent une chimère, une illusion.
Moins largement, cette construction cyclique revient dans le texte en lui-même.
- le thème du suicide devient récurrent: ils essaient dans les deux actes de se pendre à l'arbre, échouant à chaque fois.
- le refrain, avec plusieurs variantes, "On fait quoi? On attend Godot." revient à de multiples reprises. C'est au final le lien directeur de la pièce.
Ces répétitions détruisent toute forme de progressions, empêchent l'enigme centrale de la pièce d'être résolue (Godot va-t-il enfin arriver, pourquoi l'attendais-t-on?). Ainsi le lecteur/spectateur est confronté à la condition humaine, l'homme étant en effet confronté dans sa vie à des énigmes indissolubles.

-> Un rétrécissement de la pensée
Peu à peu, les personnages simplifient la syntaxe, passant de phrases déjà courtes à des phrases se réduisant au stricte minimum. De plus, l'oubli s'accentue dans l'acte II, Estragon ayant par exemple oublié ce qu'ils faisaient la veille et où ils étaient.

Rabelais


Jeunesse et formation
Né en 1494, il fait des études de droit mais ne pratiquera jamais d'activité juridique. Il entre au couvent comme novice dans un couvent près d'Angers en 1510 pour devenir en 1520 moine franciscain en Vendée. Il étudie alors le grec, mais trois plus tard cette étude est interdite par la Sorbonne et on lui confisque ses ouvrages. Rabelais change alors d'ordre et devient bénédictin.
Le savant humaniste
A partir de 1527, il abandonne l'habit monacal pour devenir prêtre séculier, c'est-à-dire qu'il ne fait pas parti d'une congrégation ou d'un ordre religieux. Il commence alors des étude de médecine, à la suite desquelles il devient médecin dans un grand hôpital de Lyon, qui est alors un important centre culturel. Il donne des conférences et pratique la dissection. Il est reçu docteur en 1537.Rabelais est en contact avec des humanistes tels qu'Erasme ou Budé. Il fait plusieurs voyage  à Rome, berceau de l'humanisme.
Rabelais écrivain
Parallèlement, il publie deux ouvrages sous l'anagramme d'Alcofribas Nasier: Pantagruel (1532), Gargantua (1534). Ils sont immédiatement condamnés par la Sorbonne mais obtiennent tout de même un grand succès. Viennent ensuite le Tiers-Livre (1546), le Quart-Livre (1552) et le Cinquième et dernier livre dont l'attribution est incertaine.
Il meurt à Paris en 1553, ses livres condamnés mais restant toujours sous la protection d'hommes puissants.

Gargantua, Rabelais 1532

  • Mouvements de l'oeuvre:
  1. Deux avertissements: Au lecteurs, prologue
  2. La naissance et l'adolescence de Gargantua (chapitres 1 à 13)
  3. La première éducation: l'éducation médiévale (chapitres 14-15 et 20 à 22)
  4. Un récit enchâssé: l'épisode des cloches de Notre-Dame (chapitres 16 à 19)
  5. La seconde éducation: l'éducation humaniste (chapitres 23-24)
  6. Les guerres picrocholines (chapitres 25 à 51)
  7. L'abbaye de Thélème (chapitres 52 à 57)
  8. Conclusion: énigme en prophétie (chapitre 58)
Plus simplement, on peut diviser l'oeuvre en trois grands thème: l'éducation, la guerre, le redressement de la paix avec l'édification d'une abbaye.
  • Personnages:
  1. Gargantua: héros éponyme du roman (c'est-à-dire qu'il donne son nom à l'oeuvre entière), il est le fils de Grandgousier et de Gargamelle. Il est un personnage fantastique: c'est un géant et il naît par l'oreille de sa mère. 
  2. Grandgousier: géant, père de Gargantua,roi généreux, pacifique et magnanime.
  3. Gargamelle: Mère de Gargantua, elle accouche après l'avoir porté onze mois. Appétit immense cause de l'accouchement. Elle meurt de joie lorsque Gargantua rentre de Paris.
  4. Maitre Thubal Holoferne: premier maître de Gargantua, sophiste.
  5. Eudémon: jeune page, élève de Ponocrates, devient le compagnon de Gargantua à Paris.
  6. Ponocrates: pédagogue d'Eudémon et de Gargantua, il les soumet à un rythme soutenu et à une meilleure hygiène de vie.
  7. Gymnaste: Enseigne l'art de la chevalerie à Gargantua.
  8. Janotus de Bragmardo: vieux sophiste de la Sorbonne qui fait un discours sans queue ni tête pour récupérer les cloches. Il se ridiculise et provoque l'hilarité générale.
  9. Ulrich Gallet: ambassadeur de Grandgousier auprès de Picrochole, il fait un discours pour éviter la paix, en vain.
  10. Touscquedillon: Fait prisonnier par Frère Jean, il est convaincu par les paroles de paix de Grandgousier et les rapporte à Picrochole. Il échoue à le convaincre d'arrêter la guerre, tue Hastiveau et est lui-même tué par les hommes de Picrochole.
  11. Picrochole: roi voisin de Grandgousier, colérique, impulsif, déclare la guerre sur les motifs d'une simple querelle.
  12. Frère Jean: Moine, il défend l'abbaye contre l'armée de Picrochole, participe à la guerre aux côtés de Gargantua. C'est pour le récompenser que Gargantua fonde l'abbaye de Thélème.

- Picrochole et Grandgousier, chacun représentés par un groupe à leur image, respectivement un groupe de "sots" et un groupe humaniste. (voir la partie sur les guerres)- Les moines et Frère Jean. (voir la partie sur la religion)- Toucquedillon est lui comme un personnage intermédiaire: il est le seul dont on a pas une vision manichéenne.  En effet il évolue et change: durant la guerre il change de côté, converti par Grandgousier, ce qui lui vaudra la mort.

  • Aux lecteurs:
Rôle: ce dizain sert à prévenir le lecteur de quelque chose qui pourrait choquer, mais aussi à former une complicité avec lui.
Dizain:
- vers 1: apostrophe le lecteur pour le mettre dans un état favorable vis-à-vis de l'oeuvre avant qu'il ne commence sa lecture.
- vers 2:  Il faut garder l'esprit ouvert, être objectif et sans a-priori. Rappel nécessaire car l'éducation médiévale contraint la façon de penser.
- vers 6, 9 et 10: répétition du verbe rire. Le but est d'intéresser le lecteur et le faire accéder à  la sagesse par le rire car celui-ci nous tourne vers l'extérieur. De plus le lecteur est actif. "Le rire est le propre de l'homme" est une citation d'Aristote, preuve de l'intérêt des humanistes pour l'Antiquité.
  • Prologue:

Deux champs de lecture sont possibles:
- le rire, superficiel, l'environnement festif, l'humour cru parfois grossier
- une mise en garde qui donnent les clefs de lecture: les métaphores de la boite et de l'os indiquent que le lecteur doit avoir une lecture assidue, une attitude de recherche et de réflexion.

Rabelais se met directement en scène:
- Il fait référence à lui-même comme auteur et comme bon-vivant.
- Il s'adresse directement au lecteur.

Des références aux intellectuels antiques (notamment Platon, qui est prétexte à une réflexion sur l'être et le paraître), donnent un poids littéraire à son oeuvre.
Des éléments déjà ancrent dans le texte: par le style (énumérations) et par le thème ("en ce qui concerne tant notre religion que, aussi, la situation politique et la gestion des affaires").

  • Chapitre 1: De la généalogie et antiquité de Gargantua
- Gargantua est la suite d'une histoire qui semble véridique, or c'est un géant totalement fictif. De plus l'auteur détruit lui-même cette filiation: l'inscription étrusque "ici l'on boit", les neufs flacons disposés comme les quilles de Gascogne... Cela casse l'effet de réalisme qui est donné par le contexte archéologique.
- L'auteur s'inscrit dans son texte, or c'est un récit, il n'y a donc pas sa place. De plus sa représentation est non conforme à la réalité: il descendrait de rois ou de princes.
  • La naissance de Gargantua et son enfance
Le personnage principal n'est pas introduit dès le premier chapitre.
Il naît de façon fabuleuse, par l'oreille de sa mère, après que celle-ci ait mangé trop de tripes. Cela l'apparente au héros antique, notamment à Dionysos qui est sorti de la cuisse de son père, Jupiter. Gargantua possède aussi le langage dès naissance, ce qui le rattache au merveilleux, mais aussi au comique, puisqu’il crie "A boire! A boire!".


De plus l'auteur fait un discours argumentatif pour convaincre de la vraisemblance de la situation, le sujet est élargi pour détourner l'attention du lecteur et attiser sa curiosité (voir prologue et le sens caché des choses). Cependant toutes ces justifications sont trop nombreuses et relèvent du mythe: cela nuit au réalisme. Pline est même invoqué comme argument d'autorité, mais Rabelais le qualifie de menteur.

La naissance est rapportée avec des termes techniques ("veine creuse", "diaphragme"), preuves de la connaissance du corps et de son fonctionnement de Rabelais puisqu'il était médecin. Il montre une volonté de décrire précisément. Mais l'effet visuel est révulsant: il insiste en effet sur la confusion entre l'enfant et les excréments ''de goût assez désagréable''. La naissance est donc totalement désacralisée, elle est au contraire merveilleuse. La Sorbonne a jugé ce moment blasphématoire, et des passages ont été supprimé des les éditions postérieures. C'est en effet une critique voilée de la lecture de la Bible que Rabelais propose. Si certains contestent la véracité de la naissance de Gargantua, le narrateur répond que si Dieu l'avait voulu, cela aurait été possible. Il compare implicitement l'immaculée conception et l'impossibilité pour Gargamelle d'accoucher normalement.

  • Chapitre 13: Comment Grandgousier reconnut à l'invention d'un torche-cul la merveilleuse intelligence de Gargantua.

Transformer un objet en torche-cul, c'est avant tout le rabaisser: le choix de objets que prend Gargantua n'est pas dû au hasard, il est dicté par une logique. Par exemple, les cinq premiers torcheculs servent à couvrir le visage et la tête (cache-nez, chaperon, cache-cols, cache-oreilles et bonnet de page). Ainsi le bas et le haut sont permutés.

Les objets, ayant une nouvelle utilité, renaissent à notre perception par une orientation imprévue. Ils peuvent devenir dynamiques, c'est-à-dire qu'ils sont acteurs. C'est le cas du chat, grâce auquel une scène comique s'offre au lecteur. On voit de plus défiler l'univers qui entoure l'homme, grâce à la diversité et à la longueur de la liste. Ce quotidien nous apprait différemment, rénové dans son utilité.

Le dernier torchecul amène le motif de la volupté et de la béatitude, qui se communique à tous les corps. Cette volupté est semblable à celle des héros et des dieux au Champs-Elysées.

Pourquoi Grandgousier est-il si fier de son fils?
- Il vient de prouver sa curiosité, sa détermination et son esprit expérimental.
- Il a montré un effort intellectuel en retenant des rondeaux.

Le dernier torchecul amène le motif de la volupté et de la béatitude, qui se communique à tous les corps. Cette volupté est semblable à celle des héros et des dieux au Champs-Elysées.


On peut rapprocher cet épisode à celui des chevaux factices.

  • Les méthodes d'éducation dans Gargantua
Deux éducations sont opposées dans ce livre: l'éducation médiévale et l'éducation humaniste.

A propos de l'éducation médiévale:

Le traitement du corps
- nourriture abondante
- pas d'activité physique
- pas d'hygiène
→ négligence face au corps
→ pas de lien entre le corps et l'esprit
→ pas de vue sur le long terme : attitude qui peut être dangereuse pour la santé.
Le traitement de l'esprit
- éducation répétitive, ennuyeuse et fastidieuse
- le but est simplement de s'occuper pour lutter contre le temps
- pas de variété dans le contenu de l'apprentissage, répétition
- lenteur (voir la partie sur le temps)
- en latin : pas de traduction, donc pas de compréhension, d'interprétation et d'analyse possible. L'élève se contente donc de réciter tel quel.
Les personnages qui incarnent cette éducation
- Holoferne et Bridé : ils ne sont capables que de lire et de faire apprendre. Ils n'entretiennent pas d'échanges avec leurs élèves.
- Janotus de Bragmardo : bêtises dans son discours pour récupérer les cloches. A travers lui, c'est toute la Sorbonne qui est ridiculisée.


Au contraire, l'éducation humaniste est présentée de façon élogieuse: elle permet de raisonner, de développer son esprit critique et l'autonomie de l'individu.

Le rapport au corps
- la nécessité du sport quelques heures par jours, activités de chevalerie
- nourriture à heure fixe, de l'ordre du nécessaire et non du quantitatif
- analyse ce qu'il mange, d'où la nourriture provient
L'esprit
- Tout est prétexte à discuter sur ses leçons, cela permet de mieux apprendre et surtout de mieux comprendre
- apprentissage des langues pour pouvoir interpréter les textes
Les personnages incarnant cette éducation
- la confiance entre le maître et l'élève permet la discussion
- Ponocrates : connotation grecque dans son nom qui inspire le respect, le savoir.



Ces deux éducations sont mise en pratique durant la guerre et à travers l'abbaye de Thélème.

Gargantua est donc un traité un traité d'éducation humaniste dont le but est d'éduquer un prince. Les humanistes ont la conviction qu'un prince bien éduqué sera un bon roi, et donc que le pays sera bien gouverné.
voir aussi: Érasme, Institutions d'un prince chrétien, 1516

  • Chapitres 16 à 20: Gargantua séjourne à Paris et vole les cloches de Notre-Dame.

Quel sens peut-on donner à cette digression?

Cet épisode marque une transition entre les deux éducations:

- Il est la conséquence de l'éducation médiéval. Gargantua fait preuve d'une réaction impulsive en volant ces cloches. Il agit selon ses désirs, alors qu'au départ il monte sur le clocher pour fuir les parisiens. Le vol traduit un acte immédiat, sans réfléchir aux conséquences. Il ne prend pas en compte la valeur religieuse des cloches: pour Gargantua, ce ne sont que des éléments de décoration qui ornent la cathédrale. Il montre ainsi un certain irrespect des parisiens: il se place au-dessus d'eux et leur urine dessus.

- Mais il est aussi la mise en pratique de l'éducation humaniste. Gargantua voyage à Paris dans le but d'entrer dans cette nouvelle éducation, il symbolise le trait d'union entre les deux éducations, un peu comme une métaphore d'une ouverture d'esprit.

Ponocrates sert de contre-poids face à Janotus: il se montre lui discret et plus réfléchi. Janotus de Bragmardo est un théologien ridicule qui tente de récupérer les cloches, alors même qu'elles ont déjà été rendues. Son prénom, Janotus, laisse présager quelqu'un d'érudit, or cet effet en détruit par son nom de famille à consonance populaire. Il est égoïste et  cupide: il ne fait ce discours, par ailleurs mauvais, que dans le but d'obtenir quelque vêtements, et non pour récupérer les cloches.

  • Les guerres picrocholines
La guerre est tout d'abord un élément narratif dans Gargantua.
Cet épisode est une parodie de l'épopée. 
  • Un roman chronologique
On peut ainsi suivre l'évolution du personnage principal, de sa petite enfance à son age adulte. (Cela rappelle les romans d'apprentissage.) Cette organisation en quatre temps (naissance, éducation, guerre et religion) est pratique car cela permet des digressions: par exemple à propos de la naissance, Rabelais s'interroge sur la question juridique des enfants dont le père est mort avant la naissance, ou bien à propos des vêtements, il divague sur la symbolique des couleurs.

Le temps n'a pas toujours la même valeur tout au long de ce roman:
- Jusqu'à sa première éducation, le temps a une valeur humaine, en mois et en années.
- Sa première éducation est marquée par une lenteur importante. Ainsi Gargantua met-il  cinq ans pour apprendre l'alphabet, treize autres années pour lire et recopier deux livres... L’inefficacité de l'ancienne éducation est mise en valeur, elle est présentée comme fastidieuse.
- Au contraire, la seconde éducation est décrite sur un autre beaucoup plus accéléré. Cela montre par contraste l'efficacité de cette éducation humaniste dans laquelle il n'y a pas de temps perdu. A noter que cette nouvelle méthode d'apprentissage est décrite par deux chapitres contre cinq pour l'éducation médiévale.
- Durant les guerres picrocholines, le temps est toujours rapide. Cela semble logique puisque il y a une multitude d'action et peut être aussi parce que c'est la mise en pratique de l'humanisme (toujours ce même soucis d'efficacité donc).
- Dans l'abbaye de Thélème, le temps plus lent, presque suspendu: c'est en effet un lieu de calme.
Le temps est donc symbolique du contenu de chaque épisode.

  • Le comique
On remarque aussi que Rabelais utilise des jeux de mots pour nommer ses personnages. (voir la partie sur le comique)
Les appétits naturels de l'homme sont glorifiés, tels le goût de la nourriture et de la boisson: Grandgousier continue à s’enivrer bien que sa femme accouche. De plus au chapitre précédant la naissance nous sont rapportés les propos des bien-ivres, faisant l'éloge de la boisson, des femmes et de la nourriture.







Récapitulatif des points abordés dans cet article:
- Mouvements de l'oeuvre
- Personnages
- Au lecteur
- Prologue
- Chapitre 1: De la généalogie et antiquité de Gargantua
- La naissance de Gargantua et son enfance
Chapitre 13: Comment Grandgousier reconnut à l'invention d'un torche-cul la merveilleuse intelligence de Gargantua.
- Les méthodes d'éducation dans Gargantua
Chapitres 16 à 20: Gargantua séjourne à Paris et vole les cloches de Notre-Dame.
Les guerres picrocholines
Un roman chronologique
Le comique

La parodie


La parodie est utilisée pour ridiculiser les auteurs, les formes ou les mouvements littéraires. C'est une imitation souvent ironique des manières d'une oeuvre ou d'un personnage, pour le détourner de son but et produire un effet comique. L'intention n'est donc pas toujours malveillante, mais relève toujours de la provocation.

Elle relève de deux formes:
- le travestissement burlesque consiste à parodier une oeuvre noble de l'Antiquité, généralement une forme d'épopée, en lui donnant une forme vulgaire. (voir Paul Scarron)
- le genre héroï-comique consiste en ennoblir un objet vulgaire. Il peut se traduire par un langage soutenu décrivant une situation triviale, ou bien par des situations communes que l'on transforme jusqu'à l'épique.

Le sonnet


Ses origines

Dante et Pétrarque fixent les règles de cette forme de poème dès le XIV°siècle en Italie. Mais c'est Pétrarque qui lui donne ses lettres de noblesse, dans son oeuvre le Conzoniere. Composé de 367 textes, il est dédié à une femme appelée Laure. L'auteur y celèbre la beauté de la femme idéale, et marque une aspiration à la divinité. Il lance la mode du poème exprimant le tourment amoureux.
Le sonnet se fait connaitre en France grâce à plusieurs auteurs: Maurice Scève, qui fait connaitre l'oeuvre de Pétrarque; Maarot, qui traduit l'auteur italien et compose lui-même des sonnets; Du Bellay, qui compose un recueil entièrement fait de sonnets, L'Olive (anagramme de Viole, à qui l'ouvrage est dédié). Mais c'est surtout avec Ronsard en 1552 que le sonnet est porté à son point de perfection dans les Amours.

La forme du sonnet

Le sonnet est une forme fixe, composée de 14 vers, groupés en deux quatrains et deux tercets. Il obéit à un schéma précis de rimes: des rimes embrassées (ABBA) ou croisées (ABAB) dans les quatrains, toujours la forme CCD dans le premier tercet, suivi au choix des rimes EDE ou EED dans le second.
Le sonnet se déroule vers la chute du poème. Celle-ci est introduite par une rutpure, souvent marquée au vers 9.

Dom Juan, Molière 1665


Contexte de la pièce

Molière n'invente pas le personnage de Dom Juan: il a déjà été utilisé, notamment chez Tirso de Molina.

Etude d'ensemble de l'acte I

- Scène 1
Dans cette toute première scène de l'oeuvre, le spectateur s'attend à connaitre les informations de bases qui lui serviront pour comprendre l'intrigue. Il s'attend aussi à découvrir le personnage principal. Or ce sont deux valets qui entrent sur scène, qui de plus ne parlent pas directement Dom Juan.
Sganarelle, valet de Dom Juan, se lance en effet dans une éloge du tabac. Il en parle en faisant l'important, le cultivé: il utilise un niveau de langue recherché, et fait de plus une référence à Aristote.
Pourquoi cette entrée en matière de la part de Molière?
Le tabac occupe ici une fonction sociale: convivial, il rapproche les gens, procure du plaisir, ce à quoi la vie de Dom Juan est consacrée. De plus, il est une forme de provocation; étant interdit par l'Eglise.
La scène continue par une présentation de Dom Juan par Sganarelle. Celui-ci le décrit comme un grand séducteur immoral, faisant des victimes de ses charmes dans toutes les classes sociales.

- Scène 2
Dans cette scène, les répliques de Sganarelle sont courtes, ce qui rompt avec la première scène, dans laquelle il se lançait dans de grandes tirades. Molière créé ainsi un comique de contraste.
L'on apprend aussi beaucoup de la relation maître/valet, dans laquelle Sganarelle est complètement dominé par son maître.
Pourquoi Dom Juan autorise-t-il son valet à parler librement?
D'un point de vue dramaturgique, le valet est ici un faire-valoir de Dom Juan, il sert à faire entendre les pensées de son maître.
Mais Dom Juan s'en aussi pour s'en amuser, le tourner en ridicule. On commence à voir la facette sadique et cruelle de Dom Juan. Dans sa tirade se révèle le libertinage du personnage de Molière, libertinage intellectuel et de moeurs. Il bafoue les principes moraux de l'époque (la constance en amour), et c'est un beau parleur, il use de son éloquence pour séduire les femmes.
On découvre donc Sganarelle dans son rôle de valet bouffon: les différentes facettes de ce personnages se découvrent peu à peu dans cette scène.

Traits de caractère de Sganarelle
Répliques
Complice« Vous avez un nouvel amour en tête.»
Flatteur« C'est fort bien à vous. »
Moralisateur« Apprenez de moi, qui suis votre valet, que le Ciel punit tôt ou tard les impies, qu'une méchante vie amène une méchante mort, et que... »
Ébranlé dans ses convictions morales« J'avais les plus belles pensées du monde, et vos discours m'ont brouillé tout cela. »
Peureux« Et n'y craignez vous rein, Monsieur, de la mort de ce commandeur que vous tuâtes il y a six mois ? »

- Scène 3
Dans cette scène intervient Done Elvire, femme abandonnée de Dom Juan. Celle-ci fait un discours poignant, menaçant son mari de vengeance céleste.