En attendant Godot, Beckett



Le théâtre de l'absurde

Cette forme de théâtre apparaît après la Seconde Guerre Mondiale, suite au choc qu'elle a provoqué. En effet, l'homme a découvert à cette occasion toute l'horreur et la violence qu'il peut faire. Il a pour but de traduire le vide de l'existence, la perplexité de l'homme face à un monde dénué de sens.

Le titre

Ce titre, En attendant Godot, suscite un questionnement chez le lecteur/spectateur  : qui est Godot, qui l'attend  ? Pourquoi  ? Que font-ils en attendant  ? 

Les personnages

On peut remarquer que les personnages ne sont pas annoncés selon leur nom et fonction au début de la pièce. Le lecteur devra donc découvrir peu à peu les personnages.
Les personnages fonctionnent par couple  : Estragon et Vladimir, Bozzo et Lucky. Ces duos ne font que se croiser, car si le premier est sédentaire, et le second se déplace sur son domaine. 
    •   Bozzo et Lucky
Le présence de ce couple sur scène est justifiée par deux arguments. Tout d'abord ils permettent à Estragon et Vladimir de faire passer le temps et de faire disparaître leur ennui pour un moment. Mais ils permettent aussi le passage d'un jour à l'autre, car leur sortie de scène s'accompagne du coucher de soleil, qui marque la fin des deux actes.
Bozzo et Lucky entretiennent une relation de dominant à dominé. Bozzo a tous les signes d'autorité (le fouet et le licol), tandis que Lucky paraît soumis aux ordres de son maitre. Mais le deuxième acte marque un retournement de situation  : Bozzo, devenu aveugle, est dépendant de Lucky, la maitre devenant ainsi dépendant du maitre. Ce rapprochement est aussi physique  : par nécessité, la corde autour du cou de Lucky a été raccourcie. Cela, et le fait qu'il ne l'ait pas vendu, montre l'importance que prend Lucky dans sa vie. Cette régression est saisissante: aucune indication n'est donné sur le motif de cette transformation, laissant le lecteur/spectateur en attente.
    •   Vladimir et Estragon
Les didascalies n'apprennent rien sur les conditions sociales de ces deux personnages. On sait néanmoins par le discours des uns et des autres qu'ils sont pauvres et misérables: ils dorment dehors, ne se lave pas quotidiennement, n'ont pas des vêtements adaptés et en  bon état (Estragon n'a pas chaussures à sa taille ni de chaussettes). Cette pauvreté symbolise en fait le malheur de la condition humaine.
Ces deux personnages prennent un aspect de couple conjugal: ils partagent les même souvenirs et ils s'entraînent l'un et l'autre dans des chamailleries incessantes. Il entretiennent en fait une relation fondée sur le rejet et l'attirance: ils se réconcilient toujours après l'une de leurs disputes, ils sont incapables de se séparer malgré de multiples menaces. 

-> Les noms des personnages

Si le lecteur peut lire les didascalies indiquant les noms des personnages, le spectateur ne connait les personnages que sous leurs surnoms: Didi et Gogo. Leurs véritables noms ne sont employés qu'au début de l'oeuvre pour Vladimir, et en fin pour Estragon. Ces surnoms peuvent être ridicules, comme dans la réplique d'Estragon: "Dis, Didi…", mais ils sont aussi touchant parce qu'ils dévoilent la naïveté enfantine de deux vieillards. On peut aussi remarquer qu'ils prennent de nouvelles identités, notamment pour Estragon: il se surnomme lui-même Catulle, en référence au poète latin, le coursier le connait sous le nom de "Monsieur Albert".
Le nom de Pozzo, d'origine italienne, signifie "le put": un put de richesse peut-être, on sait en effet qu'il est un propriétaire terrien aisé. Paradoxalement, Lucky, un être pauvre moralement, est désigné sous le nom anglais "le chanceux". 
Ces noms ne sont pas choisis par l'auteur innocemment: Estragon renvoi à la plante aromatique qui sert d'assaisonnement. Ainsi son prénom est le reflet de son caractère: piquant, acide.

Un désir d'universalité

1) Les indications sur le décor de la pièce sont volontairement floues. Elles ne laissent entrevoir qu'un arbre et un rocher  : ainsi la pièce a un décor pauvre, mais neutre, qui n'indique aucun lieu précis. 
2) Les noms, d'origine italienne, anglaise, française et slave, laisse entrevoir des personnages qui n'appartiennent à aucune nationalité précise.
Tout cela montre un désir d'universalité: le message de la pièce s'adresse à tous.

Un théâtre de la frustration

Dans cette pièce, les personnages commencent des conversations, des actions, mais ils ne finissent jamais rien. Faute à l'ennui, à l'oubli, ils continuent sur un autre sujet en laissant de côté ce dont ils parlaient. Le lecteur/spectateur est donc frustré car aucune intrigue ne peut être mise en lumière. Les premiers spectateurs ont même quitté la salle alors que les acteurs étaient en pleine représentation, jugeant que l'auteur se moquait d'eux.

-> Une construction cyclique
De même que les personnages n'aboutissent à rien, le lecteur/spectateur tournent en rond: il n'y a pas de réel dénouement, puisque Godot n'apparaît pas et que Vladimir et Estragon vont continuer à l'attendre tous les soirs pendant un temps indéfini. Il semble en fait qu'il n'apparaitra jamais et qu'ils attendent une chimère, une illusion.
Moins largement, cette construction cyclique revient dans le texte en lui-même.
- le thème du suicide devient récurrent: ils essaient dans les deux actes de se pendre à l'arbre, échouant à chaque fois.
- le refrain, avec plusieurs variantes, "On fait quoi? On attend Godot." revient à de multiples reprises. C'est au final le lien directeur de la pièce.
Ces répétitions détruisent toute forme de progressions, empêchent l'enigme centrale de la pièce d'être résolue (Godot va-t-il enfin arriver, pourquoi l'attendais-t-on?). Ainsi le lecteur/spectateur est confronté à la condition humaine, l'homme étant en effet confronté dans sa vie à des énigmes indissolubles.

-> Un rétrécissement de la pensée
Peu à peu, les personnages simplifient la syntaxe, passant de phrases déjà courtes à des phrases se réduisant au stricte minimum. De plus, l'oubli s'accentue dans l'acte II, Estragon ayant par exemple oublié ce qu'ils faisaient la veille et où ils étaient.